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kopf
22 mars 2007

La caverne d’Ali Baba

Atelier de formation à l’écriture tisserands des mots

La caverne d’Ali Baba

C’était rue Lamarck. C’était au mois de mars. C’était une heure entre chien et loup. Le groupe des écrivants descendait l’escalier de l’immeuble en riant. Poucette et ses sœurs allaient poser leurs cailloux. Elles étaient toutes à l’âge où l’on attend sans attendre. L’âge raisonnable où l’on accepte la surprise. Avant de quitter le nid chaud du entre- soi, elles avaient lu et démonté un extrait de L’habitant de Sivergue d’Henri Bosco. Elles avaient été surprises. Elles savaient toutes se laisser surprendre. Et c’est pour cela qu’elles étaient réunies. Elles avaient échangé leur lecture et chaque singularité en s’additionnant  avait ouvert les portes du sens. Poucette avait caché dans sa poche à secrets les cailloux de contraintes qui allaient autoriser  le chemin d’écriture. Pierres de mots, de musique et de syntaxe.

Porte fermée à clef. Embarquement pour un voyage immobile dans l’imaginaire. Légère inquiétude et confiance aussi. La rue est traversée. Entrée dans la caverne D’Ali Baba. L’espace est chaleureux, divers, étrange aussi, empli d’imprévu. Tranquille ou du moins il le semble, Aladin les invite, silencieux, un sourire étonné et ouvert aux lèvres. Lampe magique, lieu magique, grotte aux mille trésors.  Éparpillement des sœurs, pépiements d’oiseaux. Puis le silence. Maintenant, il s’agissait pour chacune de contourner, de dépasser, de vaincre, d’apprivoiser la peur. Choisir un objet celui qui capte et parle à l’œil. Poucette sort les consignes de sa poche. Une liste : dix noms, dix adjectifs, dix verbes qui cerneront l’objet élu. Inspiration. Chacune entrait en soi-même. De l’objet à l’œil, de l’œil à la main. Libération des énergies. Des mots ronds ou carrés, légers ou lourds, précieux en tout cas, quittaient le tiroir à rêves, flottaient dans l’air, les crayons caressaient ou effritaient le papier. Hardiesse des mots qui s’alignaient sur la feuille. Aladin observait, toujours étonné, toujours souriant, le ballet des stylos.

Expiration. Collecte faite, fragments de cristaux, trouvailles insolites, retour au nid. Assises sagement à leur place, les sœurs alignaient les mots avec sérieux, déplaçant, replaçant. Elles bâtissaient la charpente d’un futur château en Espagne ou ailleurs peu importe. L’objet vu, élu, devenait invention. Objet de papier, Le même et tout autre. Enchantement, étrangement des perceptions. Peu à peu un sens se révélait, se dévoilait, se brouillait aussi et, parsemé d’émotion, de sentiment, de souvenir enfoui, créait de l’inédit.

Échange, éclats de rire, jubilation. L’objet enflait, gonflait, devenait lumière, oiseau- poésie. Les sœurs avait défriché, labouré, semé, récolté. Un chant venait au monde. Poli, taillé, ciselé au fil des jours, le texte devint offrande à Aladin, qui restait silencieux et souriant. Un hommage à sa caverne, une offrande à sa lampe merveilleuse. Aladin les reçut tous comme un cadeau. Juste une petite lumière dans les yeux.

C’était rue Lamarck. C’était à la mi-mars, c’était une heure entre chien et loup. C’était un moment privilégié et rare où tout peut arriver, où tout devient possible par la simple grâce de la rencontre entre un auteur, un lieu, une personne, la langue, la beauté et la création.

Pierrette Epsztein

Animatrice de l’atelier de formation à l’écriture

Tisserands des mots

100 rue Lamarck

75018 Paris

        

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